La Fondation Scelles a coanimé 4 stages de lutte contre l'achat d'actes sexuels avec l’APCARS à la Préfecture de la Région Ile de France et à la MJD du 17ème.
Plusieurs hommes condamnés à des peines avec du sursis probatoire et des amendes durant ces sessions de juin, mélangés à ceux en « simple » alternative aux poursuites judiciaires. Dans le cadre de la composition pénale maintenant automatique à Paris, l'ensemble des « clients » reçoivent une inscription au casier judiciaire (B1).
Après 16 stages à Paris en 2023, une dizaine ont déjà eu lieu en 2024 et plusieurs dates sont programmées d'ici décembre. Après un essoufflement du dispositif en 2021 et 2022, le Parquet de Paris et les forces de sécurité intérieure ont accentué la pression sur les agresseurs. Le gouvernement a réaffirmé sa volonté de lutter contre le système prostitutionnel et d'améliorer le dispositif de verbalisation et de condamnation des prostitueurs.
Communiqué d’associations de terrain accompagnant des milliers de personnes en situation de prostitution de tous pays, survivantes de la prostitution, associations de lutte contre les violences masculines françaises et européennes
À la suite d'une requête déposée en 2019, la Cour européenne des droits humains (CEDH) était amenée à se prononcer sur la pénalisation de l'achat d'actes prostitutionnels, accusée de "mettre en péril l'intégrité physique et psychique et la santé des personnes [pratiquant] la prostitution" et de menacer "le droit au respect de la vie privée des personnes prostituées et de leurs client". Dans cette décision rendue le 25 juillet, la CEDH a rejeté à l'unanimité l'ensemble de ces griefs.
Nous, associations de terrain accompagnant des milliers de personnes en situation de prostitution de tous pays, survivantes de la prostitution, associations de lutte contre les violences masculines saluons cette décision de la CEDH. Il faut noter que cette décision a été prise à l'unanimité et sans ambiguité. La Cour met en avant le caractère soutenu et démocratique du processus législatif de la loi de 2016 et reconnaît que la pénalisation des "clients" est indissociable du dispositif global de la loi. Elle reconnaît également que nul n'a aujourd'hui la capacité d'établir que la loi aurait eu un effet péjoratif sur les personnes prostituées et indique que la loi a pris en compte de manière extrêmement poussée la situation sociale et sanitaire des personnes.
Nous affirmons que le modèle abolitionniste est le système qui garantit la meilleure protection pour l'ensemble des personnes prostituées et qui permet l'accès à leurs droits élémentaires, en premier lieu la santé. Ainsi, la loi de 2016 forme un tout cohérent en agissant en soutien des personnes prostituées (parcours de sortie, mesures de protection), en sensibilisation du jeune public et en s'attaquant au proxénétisme et à la « demande ». Seule la reconnaissance de la prostitution en tant que violence permet un accompagnement efficace des personnes en situation de prostitution. Ce qui empêche les personnes prostituées d'accéder à leurs droits, ce n'est pas la loi : c'est son manque d'application.
Pour améliorer l'accès aux droits et à la santé pour les personnes prostituées, il faut renforcer l'application de la loi sur tout le territoire français.
Nous avons l'espoir que la décision de la CEDH donne un nouveau souffle à l'application de la loi en France ainsi qu'aux réformes législatives impulsées dans d'autres pays européens (Espagne, Allemagne, etc.)
Nous continuons de réclamer la mise en place des mesures suivantes :
• Offrir à toutes et tous une alternative à la prostitution : Permettre à toutes les personnes prostituées qui le souhaitent de sortir de la prostitution (multiplier les parcours de sortie et les améliorer par l'augmentation de l'allocation financière et la durée du titre de séjour pendant le parcours, la délivrance d'un titre à l'issue, et le financement de l'accompagnement) ;
• Initier de grandes campagnes nationales pour un changement de regard de la société, en priorité en direction des « clients » prostitueurs ;
• Mettre fin à l'impunité pour les prostitueurs, « clients » et proxénètes, notamment en ligne ;
• Généraliser la prévention pour assurer un avenir sans marchandisation pour les jeunes via le déploiement d'une véritable éducation à la sexualité ainsi que la prévention et prise en charge des mineur.es victimes de violences sexuelles ;
• Consentir l'effort financier à la hauteur de l'enjeu, estimé à 2,4 milliards d'euros sur 10 ans pour la France.
>>> Arrêté de la CEDH du 25 juillet 2025
Liste des associations signataires
En tant qu'associations de terrain et survivantes de la prostitution, agissant aux côtés des personnes prostituées, et associations de lutte contre toutes les formes de violences sexuelles et sexistes, nous sommes témoins de la violence que les personnes prostituées et victimes de la traite des êtres humains subissent au quotidien et des conséquences éminemment destructrices de cette activité sur leur santé physique, psychique et sexuelle. Sous quelque forme que ce soit, nous constatons à quel point la marchandisation du corps humain est une atteinte fondamentale aux droits et à la dignité humaine.
Pour construire une société ambitieuse d'égalité entre les femmes et les hommes, respectueuse de toutes et tous, protectrice des personnes les plus vulnérables et discriminées, nous vous proposons de vous engager à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel en soutenant les 5 priorités suivantes et les 16 recommandations qui en découlent.
>> Télécharger notre MANIFESTE 2024
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Après 8 ans de mise en œuvre de la loi de lutte contre le système prostitutionnel du 13 avril 2016, la Ministre Aurore Bergé a présenté jeudi 2 mai une stratégie interministérielle visant à améliorer son application : une phase 2 de la loi que les associations qui accompagnent les personnes en situation de prostitution réclamaient depuis plus de 3 ans[1]. Elle a associé quatre survivantes qui ont témoigné de leurs parcours et ont exprimé leurs attentes quant à cette stratégie[2].
Les dispositifs prévus par la loi font leurs preuves : les démantèlements de réseaux proxénètes augmentent, les personnes qui ont bénéficié d’un parcours de sortie de la prostitution (PSP) s’insèrent durablement, les demandes de prévention en direction des jeunes sont plus nombreuses, la prostitution des mineur·es est devenu un véritable sujet de préoccupation des professionnel·les et des institutions, la pénalisation des « clients » prostitueurs fonctionne.
Mais nos associations de terrain constatent aussi que ces dispositifs sont insuffisamment mobilisés : moins de 1500 personnes ont bénéficié d’un PSP, les personnes étrangères ont de grandes difficultés à accéder au séjour, la pénalisation des clients est mise en œuvre de façon anecdotique, dans un contexte où tous les acteurs constatent une augmentation du phénomène prostitutionnel notamment chez les mineur·es et jeunes majeur·es.
Nous saluons la volonté de Mme Aurore Bergé de mettre le projecteur sur cette question, d’avoir une parole publique qui rappelle que la prostitution est une violence sexiste et sexuelle et un obstacle à l’égalité, et d’engager le gouvernement à mieux mettre en œuvre la loi sur tous ses volets et sur tous les territoires. C’est primordial. Nous saluons le travail de l’OCRTEH[3] qui améliore la considération apportée aux victimes dans les procédures judiciaires pour proxénétisme ou traite aux fins d’exploitation sexuelle, ainsi que l’intégration de l’ancien plan dédié à la lutte contre la prostitution des mineur·es dans cette stratégie. Et nous sommes satisfaites de voir le rétablissement de l’accès pour les personnes en situation de prostitution à l’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences.
Toutefois les associations constatent depuis plusieurs années la faiblesse de l’engagement des ministères de l’Intérieur et de la Justice – Ministres représentés mais absents à l’annonce de cette stratégie. En préfectures, le ministère de l’Intérieur considère les personnes prostituées étrangères trop souvent comme des immigrées irrégulières, et non comme des victimes de violences sexuelles à qui l’Etat doit protection et assistance. Et ceux qui abusent d’elles ne sont que trop peu inquiétés. Seule la volonté de ces ministères à agir pourra diminuer le nombre de victimes de la prostitution de manière significative. Nous veillerons à ce que les mesures prévues dans cette stratégie soient effectives.
Nous regrettons l’absence de moyens supplémentaires pour augmenter le nombre de Parcours de sortie de prostitution. L’allocation financière prévue pour les personnes qui en bénéficient n’est pas revalorisée et reste à 342€ par mois, C’est indigne ! L’autorisation de séjour déjà précaire n’est pas améliorée, la mise en sécurité des femmes et des filles, notamment étrangères mais aussi des mineur·es et jeunes majeur·es, est insuffisante…
Lorsqu’elle a été adoptée, la loi de 2016 visait à un changement d’échelle significatif, à savoir permettre la diminution sensible du nombre de personnes en situation de prostitution, en leur proposant des alternatives crédibles. Et lutter contre les réseaux et les proxénètes en tarissant leur source de revenus qui ne provient que de ce que dépensent les clients prostitueurs. La volonté politique affichée dans cette stratégie devra se concrétiser dans des résultats chiffrés. Les marges de progrès sont énormes.
>>> PLAN DE LUTTE CONTRE LE SYSTEME PROSTITUTIONNEL (PDF)
[1] Rapport FACT-S, 2021, https://www.fact-s.fr/#rapport-2021
[2] Podcast La Vie en Rouge, https://smartlink.ausha.co/la-vie-en-rouge
Notre pays a eu le courage de se doter en matière de prostitution de la législation la plus ambitieuse au monde pour les femmes et pour l’égalité. Si nous avons toutes les clés en main, manquent encore la volonté et les moyens. Il est urgent d’agir avec une stratégie claire et volontariste, pour aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite.
La loi du 13 avril 2016 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel a révolutionné la façon dont notre société considère la prostitution : dépénalisation des personnes prostituées qui ne sont plus délinquantes et aide à l’insertion, interdiction de l’achat d’actes sexuels, renforcement de l’action contre les réseaux de proxénétisme et de traite, prévention. L’objectif : diminuer le nombre de victimes de cette violence sexiste et sexuelle, et contribuer à ce que la honte change de camp.
Huit ans après ce vote, il est positif de noter qu’un peu plus d’un millier de personnes ont pu quitter la prostitution avec le soutien de l’Etat et des associations et que plus de 8000 hommes « clients » prostitueurs ont été pénalisés. Mais ces chiffres sont beaucoup trop faibles, et les défauts de mise en œuvre de la loi ne lui permettent pas de produire tous ses effets.
Depuis plus d’un an, le gouvernement exprime la volonté de mieux faire appliquer la loi et prépare une stratégie interministérielle de lutte contre le système prostitutionnel. La Ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé s’est montrée déterminée à ce que cela soit effectif rapidement.
Nous nous en réjouissons, et ne pouvons que manifester notre impatience, car il y a urgence ! Faute d’une application résolue de la loi, nous constatons sur le terrain une augmentation du nombre de mineur·es en situation de prostitution et un soutien largement insuffisant pour les personnes qui souhaitent sortir de la prostitution.
L’objectif de la France doit être clair pour tout le monde: diminuer le nombre de victimes de la prostitution. Et c’est possible si on se donne les moyens d’aider les victimes, de pénaliser les agresseurs (proxénètes et clients) et d’agir en prévention.
Nos recommandations sont connues (voir le rapport FACT-S). Nous les rappelons depuis près de quatre ans. Et les personnes ayant connu la prostitution parlent (notamment dans le nouveau podcast La vie en rouge)! Elles disent les causes et les conséquences de la prostitution, elles expliquent la violence insoutenable d’être contrainte à des actes sexuels non désirés, quel soit leur âge, quelle que soit leur origine.
D’autres ayant pu s’extraire de la violence prostitutionnelle grâce aux dispositifs prévus par la loi de 2016 témoignent de manière tellement positive que celle-ci fonctionne quand elle est appliquée. Alors écoutons-les, et agissons !