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La loi prostitution à l'épreuve du confinement

loi prostitution à l'épreuve du confinementAprès des semaines de crise sanitaire, Hélène Pohu et Jean-Philippe Guillemet, sociologues, ont interrogé, entre mai et juin 2020, les responsables d’associations agréées ainsi que les Déléguées départementales aux droits des femmes et à l’égalité (SDFE) dans les quatre villes (Paris, Bordeaux, Strasbourg, Narbonne) de l’évaluation locale de la loi 2016 - 444. Mieux comprendre la réalité et les enjeux de la période du confinement tant pour les personnes en situation de prostitution que pour celles et ceux qui les accompagnent, établir la liste des bonnes pratiques tels étaient les objectifs de l’étude. Entre nouvelles demandes, nouvelles réponses, et nouvelles solidarités, les structures d’accompagnement se sont adaptées pour répondre à l’urgence avec leurs moyens alors que la pression sur les victimes s’est intensifiée.

 

>>> Loi prostitution à l'épreuve du confinement : analyse de la mise en oeuvre de la loi 2016-444 durant la période de confinement

 

 

Disparité des situations et disparités dans la mise en oeuvre de la loi

Par endroits, la prostitution de rue a complètement disparu. Ailleurs, les pratiques ont évolué vers des modalités de rencontres plus discrètes, parfois individualisées, en sollicitant davantage les outils des nouvelles technologies de l’information et de la communication (internet, réseaux sociaux, smartphones). Si certaines commissions départementales de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains ont eu lieu de manière dématérialisée, d’autres ont ajourné les demandes de parcours de sortie. Et ne parlons pas de la pénalisation des “clients” qui a été inexistante. D’une manière générale, l’application de la loi est restée très dépendante de la volonté des acteurs concernés de la mettre en oeuvre.

 

Forte mobilisation des acteurs locaux associatifs et institutionnels

Si les structures d’accompagnement ont dû adapter leur mode d’intervention pour faire face aux problématiques connues (accompagnement psychologique, accès aux soins, hébergement d’urgence), elles ont aussi su se réinventer face à de nouvelles problématiques. On a vu apparaître des cagnottes et des aides financières exceptionnelles pour soutenir les personnes en situation de prostitution. Des structures ont travaillé de concert en ce qui concerne l’aide alimentaire et la distribution de produits sanitaires, mettant de côté leurs divergences idéologiques, au moins provisoirement. Des déléguées départementales ont dû trouver en urgence des solutions. La solidarité a joué à plein mais les situations demeurent compliquées du fait de l’emprise des proxénètes et des réseaux mais aussi de l’extrême fragilité, économique et psychologique, dans laquelle se trouvent les personnes accompagnées.

 

Des associations inquiètes pour le déconfinement.

Le risque d’une exploitation post-confinement sur les victimes inquiète fortement les structures d’accompagnement. Proxénètes et réseaux voudront-ils compenser ce qu’ils ont perdu en faisant davantage pression sur les personnes en situation de prostitution ? Les associations ont constaté une recrudescence des demandes de parcours de sortie de la prostitution notamment à travers de nouvelles prises de contact. Mais les moyens nécessaires pour faire face à cette demande seront-ils là ? Il y a urgence.

 

Et maintenant ?

la loi prostitution à l'épreuve du confinement« Le confinement a eu un effet loupe sur la situation quotidienne de notre public» a déclaré un responsable d’association. A cet égard, la Fondation Scelles rappelle qu’en avril 2020 elle a soutenu l’inititiative du Mouvement du Nid, avec 26 autres associations en demandant « au Gouvernement de ne laisser personne sous le seuil de pauvreté (1026 euros par mois) et de garantir à toutes les personnes prostituées, y compris étrangères, un hébergement, des ressources et un titre de séjour avec accès au marché du travail ».  Difficile sans cela d’envisager que l’horizon puisse se dégager pour les personnes qui subissent les violences inhérentes au système prostitutionnel et pour lesquelles notre société peine encore à apporter, suffisamment rapidement, une réponse à la hauteur des enjeux.

Reste le “client”, le grand absent de cette période de confinement, oublié des autorités et des médias, alors que la loi interdit pourtant l’achat d’acte sexuel en France depuis plus 4 ans maintenant. Tous les “clients” visiblement n’étaient pas confinés… Certains, prêts à sacrifier des vies pour réaliser leurs pseudos-désirs et leurs petits rituels fantasmés, ont continué de solliciter des personnes en situation de prostitution au risque de transmettre le virus.

Tant que les institutions ne s’attaqueront pas suffisamment à la demande, tant que le volet prévention et sensibilisation auprès des jeunes ne sera pas systématiquement mis en oeuvre, le travail des structures d’accompagnement des personnes prostituées et celui des forces de l’ordre à la poursuite des réseaux de proxénétisme, aussi indispensable soit-il, consistera à vider un lac avec une petite cuillère.

 

>>> Rapport d'évaluation locale de juillet 2019

 

 

La Fondation Scelles dans la presse

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