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Alerte à la pornographie

Omniprésente sur internet, facile d’accès, bénéficiant d’une large audience en ligne, la pornographie échappe aujourd’hui à tout contrôle et les jeunes y sont de plus en plus exposés, activement ou passivement. Et peu importe les dégâts ? Symbole d’une sexualité de plus en plus violente, largement marquée par la domination masculine et l’objectivation des femmes, la pornographie, voisine de chambre de la prostitution et perpétuel obstacle à l’égalité entre les femmes et les hommes a un impact très fort sur la construction de la sexualité chez beaucoup de jeunes. Alors que la loi du 13 avril 2016 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel mentionne, dans son article L. 312-17-1-1 qu’ « une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps » doit être « dispensée dans les établissements secondaires, par groupes d'âge homogène », l’heure semble plus que jamais venue de se mettre au travail. Dominique Quinio, journaliste, Présidente des Semaines Sociales de France et membre du Comité Consultatif National d’Ethique revient, pour la Fondation Scelles, sur ce sujet brûlant. >>>

 

 

 

De plus en plus de jeunes exposés au porno

On l’appelle la « culture porn » -comme si c’était une culture !- , pour dénoncer son influence néfaste. A quelques jours d’intervalle, au mois de juin 2018, un rapport présenté aux parlementaires par Dominique Reynié (1) et un appel du collège des gynécologues et obstétriciens français alertent l’opinion et les gouvernants sur l’exposition à la pornographie de nombreux jeunes, parfois très jeunes. Les inquiétudes s’appuient sur une enquête menée par Ipsos auprès d’un échantillon représentatif  de 1000 jeunes âgés de 14 à 24 ans. SI 63% d’entre eux disent n’avoir jamais été sur un site X, d’autres au contraire s’y rendent régulièrement : 21% au moins une fois par semaine, parfois plusieurs fois par jour ce qui autorise à parler d’addiction. En outre, ils sont plus de 90% à affirmer qu’il est facile d’avoir accès à ces contenus. Aux Etats Unis, 12% des sites seraient des sites pornographiques, et des plus rentables.


L’industrie de la pornographie, dont les bénéfices sont considérables bien que difficiles à mesurer  exactement, ne date pas d’hier, mais l’internet a changé la donne : il rend la fréquentation de sites, films, vidéos, beaucoup plus aisée, sans barrière d’âge, plus discrète, échappant à tout contrôle parental. Surtout,  la pornographie n’est plus seulement l’affaire de « professionnels », elle est mise en scène par des amateurs (les sex-tapes, par exemple, dont l’actualité se saisit quand il s’agit de vedettes). Le risque donc pour un adolescent, voire pour un enfant, de se retrouver devant un tel spectacle, même sans l’avoir voulu, s’est largement accru.

 

Pour aller plus loin >>>

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Les médecins et associations se mobilisent contre cette exposition néfaste

Médecins et associations se mobilisent pour mettre en lumière les conséquences de cette exposition permanente (dont les codes envahissent les annonces publicitaires, qu’il s’agisse de parfum ou d’automobile). Le développement de ces jeunes peut en être affecté et, comme en tout risque d’addiction, ce sont les plus fragiles, les moins accompagnés qui se trouvent particulièrement menacés. Ces contenus  pornographiques conditionnent l’idée que l’on doit se faire d’une relation sexuelle réussie ; ils élaborent un idéal physique et se placent sous le signe de la performance, ignorant la dimension relationnelle et affective de l’acte sexuel. Pour Michela Marzano, philosophe (2), le porno  crée  « une nouvelle normativité  qui, sous un discours de liberté vise à modeler les comportements sexuels et les relations entre les hommes et les femmes ». L’homme y est présenté comme tout puissant, dominateur et la femme soumise, demandant de la contrainte et de la violence. Comment, dès lors, convaincre ces jeunes, garçons notamment mais les filles également,  que l’on a le droit de dire non à une relation et que quand on dit non, cela veut dire non. Selon la Fédération des femmes pour la paix, le déferlement de la pornographie s’accompagne d’ailleurs d’une hausse importante de la délinquance et de la criminalité sexuelles.

 

La nécessaire reconstruction d’une sexualité épanouissante basée sur le respect mutuel

Dans un entretien sur Lepanoptique.net, Michela Marzano insistait, il y a plusieurs années déjà : « Il devient de plus en plus facile pour des enfants de voir ces images avant même d’avoir pu éprouver du désir ou d’avoir pu découvrir par eux-mêmes ce que signifiait désirer l’autre. Ce qui a des conséquences sur la construction de leur imaginaire. Leur imaginaire sexuel va être infiltré par ces images. Au moment où ils commencent à vivre leurs premières relations sexuelles, ils peuvent penser qu’afin que la relation sexuelle soit une relation épanouie, ils doivent reproduire ce qu’ils ont vu. » D’où, en déduisent certains observateurs,  une plus grande difficulté à s’engager dans des relations stables, apparemment moins « exaltantes » que ce que donnent à voir ces vidéos, dont on n’oublie qu’elles ne sont pas réalité, mais fiction. D’où la propension, perceptible chez certains jeunes,  à classer les femmes en deux catégories : les filles faciles, les « prostituées »,  à qui il est possible de tout imposer, et les filles que l’on voudrait aimer mais avec lesquels on craint de vivre une relation sexuelle plus apaisée, moins « performante ».

 

Depuis des années, le danger est rappelé, accru aujourd’hui par la facilité d’accès au X. Craignant de jouer les pères la pudeur, beaucoup de responsables n’osent pas s’attaquer au problème. Et les parents eux-mêmes, souvent mal informés, n’osent pas en parler à leurs enfants. Une véritable éducation affective et sexuelle est nécessaire ; un contrôle et une pénalisation des sites pornos en libre accès sont un enjeu majeur pour la construction d’un monde où hommes et femmes se respectent, où la dignité de chacun est respectée, où la violence et l’exploitation ne sauraient être une pratique sexuelle acceptable.

 

Dominique Quinio

 

Dominique Quinio, née le 8 octobre 1952, est une journaliste, directrice du journal quotidien La Croix de 2005 à 2015, présidente des Semaines sociales de France depuis 2016 et membre du Comité consultatif national d'éthique depuis 2016.

 

1) Rapport réalisé à l’initiative de la Fondation de l’innovation politique, la fondation Gabriel Péri et du Fonds Actions Addictions
2) »Pornographie ou l’épuisement du désir », ed. Fayard

 

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