#WhosNext – Conférence internationale : Une seule stratégie contre la prostitution : le modèle nordique

Dans le cadre de la 61e session de la Commission de la Condition de la Femme (CSW) à New York, la Fondation Scelles a organisé une conférence sur les stratégies pour lutter contre le système prostitutionnel, avec ses partenaires internationaux. Un public nombreux, la présence de la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes, des intervenants exceptionnels, le cadre exceptionnel du Consulat général de France à New York, tout a fait de cette rencontre un moment fort d’échanges et de plaidoyer.

Conférence Fondation Scelles New York 

 

La Ministre Laurence Rossignol, Rachel Moran, fondatrice-directrice de SPACE International et auteure du témoignage «Paid For: My Journey Through Prostitution», Taina Bien-Aimé, directrice de la Coalition Internationale contre la Traite des Femmes (CATW) et Yves Charpenel, Président de la Fondation Scelles et 1er Avocat Général à la Cour de Cassation, intervenaient ensemble pour confronter des points de vue internationaux sur les stratégies de lutte contre la traite et l'exploitation sexuelle. De ce débat, une vision commune a émergé : en Europe comme sur le continent américain, l’exploitation sexuelle est une violence dangereuse, contre laquelle seul le modèle nordique qui condamne l’achat d’acte sexuel peut apporter une réponse efficace.

 

Etat des lieux : violence et crime organisé

Les échanges, en la présence de la modératrice Mary Snow, journaliste, ont permis d’arriver à un triple constat.

 

Conférence Fondation Scelles New York

 

1- L’exploitation sexuelle est une violence et une violence de genre. La violence est partout dans la prostitution et elle est inhérente à l’acte prostitutionnel même : « Devoir subir des actes sexuels non désirés de manière répétée est une effraction corporelle assimilable au viol » (L. Rossignol)

2- L’exploitation sexuelle est un marché, « où le corps humain est une marchandise  comme une autre, soumise aux lois de l’offre et de la demande » (Y. Charpenel). Et ce marché est entre les mains d’un vaste système de crime organisé transnational, en quête d’un profit toujours plus important au détriment de la dignité et de la sécurité des personnes exploitées, essentiellement des femmes et des enfants.

3- Des lois et des conventions internationales existent mais peinent à endiguer l’escalade du phénomène : « Nous avons tous ici la conviction que les réponses données par les Etats et la société civile dans nos pays n’ont, à ce jour, pas encore permis de faire reculer une menace redoutable pour le droit des plus vulnérables » (Y. Charpenel)

 

Quels obstacles et quels freins ?

 « What is holding us back? » (Qu’est-ce qui nous freine ?), s’interrogeait Taina Bien-Aimé. La prostitution est une des formes les plus aiguës de violences faites aux femmes. Mais elle n’est pas encore perçue comme telle par la plupart des sociétés. Peut-être parce qu’elles touchent en majorité des femmes, dans la précarité et la vulnérabilité.

 

Conférence Fondation Scelles New York

 

Au contraire, pour faire accepter l’inacceptable, certains présentent « des récits fictionnels qui donnent à voir la prostitution comme un « travail », comme une relation marchande librement consentie entre adultes, une sexualité libérée, une émancipation du patriarcat. »

« La prostitution n’est pas davantage un choix pour les femmes et les filles que l’excision, le mariage précoce, la polygamie, la crémation des veuves ou tout autre violation des droits humains qu’endurent les femmes parce qu’elles sont nées femmes » (T. Bien-Aimé).

 

Quelles stratégies ?

Face à cette situation, seule une approche globale peut permettre une avancée réelle. Concrètement, cela signifie :

- d’impliquer la société toute entière dans ce combat : les gouvernements, la société civile, les ONG, le monde médical, les syndicats, les hommes, les jeunes… et le groupe très actif des survivantes de la prostitution, qui, comme Rachel Moran, viennent enrichir le débat de leur témoignage incontournable.

- de mettre en avant le rôle joué par le client dans ce marché. Rien ne pourra se faire sans une politique de dissuasion de la demande : « Sans attaquer la demande, aucune politique efficace ne pourra agir contre la prostitution… Il est plus facile de travailler sur la demande que de changer de régime juridique », faisait remarquer Yves Charpenel.

- d’adopter le modèle législatif créé par la Suède, dit « modèle nordique », qui prend en compte tous les acteurs de la prostitution : personne prostituée, proxénète et trafiquant, client. C’est le choix que vient de faire la France, avec sa  loi du 13 avril 2016 : « L’adoption de cette loi abolitionniste constitue une étape historique, a expliqué la ministre des Droits des femmes. Elle impulse au sein de notre société, un véritable changement de regard sur la prostitution et appréhende le problème prostitutionnel dans sa globalité : renforcement de la lutte contre le proxénétisme, renforcement de la prise en charge des victimes de prostitution, de proxénétisme ou de traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle, prévention en direction des jeunes et du grand public, interdiction de l’achat d’acte sexuel ». Outre la France, la Suède, l’Islande, la Norvège, le Canada, l’Irlande du Nord et, tout récemment, la République d’Irlande condamnent l’achat d’un acte sexuel.

 

>> Pour en savoir plus :

Que dit la loi ? Tous les articles en #8 points

Discussion on Strategies to Address Prostitution & Sex Trafficking

 Discussion on strategies to address

 

L’espoir en conclusion

 « Nous devons transformer cet espoir en action, sans quoi une société d’égalité et de justice ne pourra jamais voir le jour », a conclu Taina Bien-Aimé. Et les raisons d’espérer ne manquent pas. Différentes formes de violences faites aux femmes, longtemps acceptées, sont désormais considérées comme des crimes inacceptables et une violation des droits humains : violences domestiques, excision… C’est maintenant au tour de la prostitution.

 

>> A voir :

le site dédié à la conférence : http://whosnext2017.strikingly.com/

whosnext2017

 

Les Prix Fondation Scelles à New York

La conférence a permis de présenter les Prix Fondation Scelles au public. Quelques-uns des travaux réalisés par les étudiants de l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière lors de la 3é édition 2016 ont été présentés au Consulat général de France.

 

Prix Fondation Scelles