Condamnation de Jürgen Rudloff : la fin du Paradis !

Après quatre années de procédures, le patron de la chaîne allemande de bordels Paradise, est condamné à 5 ans de prison pour complicité de traite des êtres humains, prostitution forcée et fraude. Et le produit de ces crimes, soit 1,3 millions d’euros, est confisqué. Une décision historique dans un pays que la politique réglementariste a transformé en « bordel de l’Europe ».

 

 

Ce sont des stars de la société allemande que la justice vient de frapper. Symbole de la réussite économique et d’une prostitution « libérée des tabous », Jürgen Rudloff, le propriétaire des bordels « Paradise », comme son responsable marketing, Michaël Beretin, également condamné à 3 ans et 3 mois de prison ferme, sont des habitués des talk-shows télévisés et des émissions de téléréalité (comme Bordell SOS ou Puff my Pimp). L’arrêt prononcé le 28 février 2019 va-t-il enfin inciter l’Allemagne à remettre en cause son modèle de prostitution ?

 

 

L’Allemagne, pays réglementariste et « bordel de l’Europe »

 

En 2002, l’Allemagne adoptait une loi qui, au nom de l’amélioration des droits des personnes prostituées et de la lutte contre les réseaux mafieux, réglementait la prostitution : la prostitution est ainsi devenue un métier à part entière, les gérants de bordels des hommes d’affaires et les personnes prostituées des « travailleur.se.s du sexe ».

« Depuis, il n’y a jamais eu autant d’investissements dans cette branche », déclarait en septembre 2017 Jürgen Rudloff. De fait, la loi a permis la création des FKK, pour Freie Körper Kultur, de gigantesques bordels aux luxueux décors qui, sous l’étiquette du bien-être et du naturisme, proposent aux hommes des services divers : restauration, piscine, sauna, prostitution… Parmi ces établissements les plus connus, l’ « Artemis » de Berlin, les chaînes des « Paradise » (Stuttgart, Francfort, Sarrebruck…) et des « Pascha » (Cologne, Munich, Stuttgart…).

Véritables supermarchés du sexe, les établissements « Paradise » accueillent environ 300 clients par jour, pour un droit d’entrée de 79 euros, qui leur permet de consommer à volonté boissons, nourriture et sexe…

 

Paradis des hommes et enfer des femmes…

Entre 60 et 90 jeunes femmes prostituées, en majorité originaires d'Europe de l'Est, sont mises à leur disposition. Dans ces temples de la marchandisation des corps, elles sont mises en scène comme des objets et se promènent quasi-nues au milieu des hommes en peignoir.

 

Celles-ci doivent acquitter le même droit d’entrée, auquel s’ajoutent des taxes, la location éventuelle d’une chambre (le plus souvent un lit dans un dortoir) pour les femmes qui n’ont pas de résidence permanente, et, parfois des frais divers (ménage, linge…). Ainsi pour régler leur dette au propriétaire, les personnes prostituées doivent avoir au moins quatre clients dans la journée !

 

Le procès de Jürgen Rudloff a également permis de faire la preuve d’autres pratiques, plus graves encore :

 

Une décision historique

L’arrêt rendu le 27 février devrait faire date. D’autant qu’il fait suite à la condamnation de Hermann Müller, patron de la chaine des « Pascha » à Munich et à Cologne, à 3 ans et 9 mois de prison pour évasion fiscale en septembre 2017.

Il marque l’effondrement d’un mythe qui semblait intouchable : celui d’un modèle entrepreneurial, celui de la réussite économique, celui de l’argent au mépris de la dignité des femmes.

Désormais, l’Allemagne ne peut plus ignorer la réalité de violence et de criminalité présente derrière l’illusion d’une prostitution dite « propre » et « réglementée ». Le chemin est encore long avant que le pays renonce à sa loi de 2002, mais un pas fondamental vient d’être fait.

 

>> Pour en savoir plus :

- Prostitutions : exploitations, persécutions, répressions - Rapport Mondial 4 :  FICHE ALLEMAGNE

- « Prostitution en Allemagne – Hors de contrôle », entretien avec Manfred Paulus, ancien commissaire divisionnaire de la brigade criminelle d’Ulm https://infos.fondationscelles.org/dossier-du-mois/prostitution-en-allemagne-hors-de-controle-n29

- T. Madelin, « Jürgen, le roi des maisons closes en Allemagne », Les Echos, 21 septembre 2017.