Prostitution : Vivastreet dans l’œil du cyclone ?

Vers la fin de l’impunité ? Alors qu’on croyait l’affaire en sommeil après la plainte déposée en 2016 par le Mouvement du Nid, le Parquet de Paris a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire pour proxénétisme aggravé contre X. En clair, Vivastreet, 2ème site français d’annonces en ligne, est soupçonné d’être le facilitateur d’une prostitution déguisée dont il tirerait d’importants profits en faisant payer des annonces qu’il prétend avoir modérées (rendues légales ?), ce qui pourrait faire de lui un intermédiaire, en toute connaissance de cause. Il n’y a qu’à regarder la longue litanie des affaires de prostitution dont la presse se fait l’écho, et voir partout s’afficher le nom du site dans les articles. Il suffit de faire un tour sur le site en question, de la rubrique « erotica » à la rubrique « rencontre d’un soir », difficile de ne pas croire que l’on est face à des offres prostitutionnelles.

 

vivastreet profite-t-il de la prostitution ?

 

Changement d’attitude

 

Alors que Vivastreet s’est toujours réfugié derrière sa coopération avec le principe de non-responsabilité d’hébergeur vis-à-vis du contenu généré par ses utilisateurs, le parquet de Paris a décidé d’ouvrir une information judiciaire. Qu’est-ce qui a pu soudain décider le parquet à ouvrir une information judiciaire ? Quels éléments tangibles sont parvenus jusqu’à lui ? Ne serait-ce pas aussi ce vent passé en quelques mois de brise à tempête et qui ne veut plus tolérer aucune de ces violences sexuelles faites aux femmes, aux filles, aux garçons, aux plus vulnérables. #Metoo, #TimesUp #Balancetonporc ? Et maintenant, #Balancetonproxenete, et tous ces sites qui savaient et ont laissé faire ? Car ne rien faire, ce serait accepter le principe de la marchandisation du corps en ligne. Faut-il donc encore rappeler l’engagement français pour la position abolitionniste, position réaffirmée en 2011; notre attachement, signé et ratifié, à la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui du 2 décembre 1949; et, plus près de nous, l’adoption historique d’une loi globale visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées ?

 

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Dans la logique de la loi du 13 avril 2016

 

Alors qu’aujourd’hui la majorité de la prostitution (60%) passe par les canaux numériques (sites d’annonces, sites spécialisés, réseaux sociaux, forums), plus ou moins discrète, aux yeux de tous ou en circuit fermé, il est de notre devoir de rappeler que la loi du 13 avril 2016 a aussi renforcé la lutte contre le proxénétisme, y compris en ligne et que tout personne qui tire profit de la prostitution d’autrui est passible de poursuites pour proxénétisme. L’article 1 rappelle que toutes personnes morales ou physiques qui mettent à disposition du public en ligne des matériaux de nature illicite, doivent, à partir du moment où elles en ont eu connaissance, les retirer ou en informer promptement les autorités compétentes. Elles doivent, en outre, « rendre publics, les moyens qu’elles mettent en œuvre pour lutter contre ces activités illicites1 ». D’ailleurs, « l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication électronique » constitue une circonstance aggravante de la qualification de proxénétisme (article 225-7).

 

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Dans le sens de l’histoire

 

En mars dernier, la Fondation Scelles, par la voix de son Président Yves Charpenel, était invitée à la conférence de presse de Cyrus Vance, procureur de Manhattan, à donner son avis sur l’impérieuse nécessité de lutter contre la traite sexuelle en ligne. Après une bataille acharnée de plusieurs mois au Sénat américain autour d’un projet de loi révolutionnaire (SESTA-FOSTA) pour rendre passibles de poursuites, les sites internet qui, en toute connaissance de cause, favoriseraient la traite à des fins d’exploitation sexuelle, le Président Donald Trump signait finalement le décret d’application le 11 avril 2018. Quelques jours plus tard, le FBI faisait fermer l’emblématique Backpage.com, dont le CEO, Carl Ferrer reconnaissait, que « la grande majorité des annonces faisait la promotion de la prostitution, et que son équipe et lui avaient tenté de dissimuler la véritable nature de ces annonces2 ».

 

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La Fondation Scelles reste fermement engagée dans ce combat notamment à travers la récente formation continue de l’ENM pleinement consacrée à ce sujet et dans laquelle des policiers et des magistrats ont entendu l’expertise de nos équipes et de notre Président Yves Charpenel sur ces questions. Mais restons prudents et attentifs au développement de cette affaire par la Justice et à la volonté affichée, de la parole aux actes, en matière de lutte contre le proxénétisme sur Internet. Dans la logique de ses choix législatifs et humanistes sur ces sujets, notre pays doit faire le choix de l’humain avant l’argent et s’en donner les moyens. La bataille ne fait que commencer. 

 

1. http://www.cap-international.org/wp-content/uploads/2016/11/CAP-FR-law-infographic-longFR.png2. http://datanews.levif.be/ict/actualite/c-en-est-termine-de-backpage-source-d-inspiration-pour-la-loi-fosta/article-normal-826977.html

2. http://datanews.levif.be/ict/actualite/c-en-est-termine-de-backpage-source-d-inspiration-pour-la-loi-fosta/article-normal-826977.html